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Le consentement

Et ses impacts sur la sexualité.

 

J'abordais hier le consentement sur un premier LIVE à l'occasion de la journée internationale de sensibilisation à l'autisme. Et parce que je crois qu'il est nécessaire et important d'informer encore et toujours, cet article permettra d'en laisser une trace écrite.

 

Juillet 2017. Il est minuit à l'océan, je partage un gâteau et du Champagne avec mes amis pour mes 30 ans. Et pour la première fois de ma vie, je vais entendre parler de consentement.

 

J'enchaîne les flirts, et j'exprime alors mon dégout face à cette étape qui demeure de plus en plus pressante, et oppressante. Ce critère dont tout le monde parle et qui définit le couple à 80 pourcents. Cet acte capable de changer n'importe quelle fillette réservée en cette femme moderne, libre et libérée. Le sexe !

 

Je repense alors à N. le séducteur et ses massages qui n'avaient rien d'innocents. À C. l'impatient, qui me répétait l'importance de vérifier nos compatibilités, pour ne pas perdre de temps. À S. le gentleman dont la gentillesse incroyable faisait de chaque jour sans, une nouvelle culpabilité.

À B. le goujat que j'avais allumé et au respect que je lui devais de ne pas m'avoir violée, comme je l'aurais méritée. À ces shorts courts, aux décolletés, à ces signaux que j'aurais envoyés et à ceux que je n'ai pas su détecter.

À E. le parano, capable d'interpréter chacune de mes hésitations comme une remise en question.

À tous ces rapports que j'ai enchaîné juste parce qu'il le fallait. Un devoir conjugal que j'avais fini par accepter. Pour faire plaisir, se faire pardonner, récompenser. Le sexe pour remercier, parce que tu comprends, une nana comme moi, ça doit au moins ça.

 

Je repense alors à mes amis, cette belle nuit. À leurs regards doux et triste, leur incroyable empathie. À ce soir-là qui venait de changer ma vie.

Mais NAN ! t'as le droit de dire NON. Quand tu veux pas, tu dois dire non. Si tu hésites, tu peux dire non. Si tu veux plus, tu peux dire stop. N'importe quand, tu peux dire stop.

Le sexe n'est pas une obligation, ou une concession. Mais un rapport consenti dans le respect des deux partis.

 

Je repense alors à ce silence. Le choc, puis la honte. Personne me m'a jamais dit ça, comment j'ai pu laisser faire ça, comment j'ai pu subir tout ça, juste parce que je ne savais pas !

 

Juillet 2019. Il est minuit à l'océan, je partage des huîtres et quelques verres de blanc avec un ami. Et pour la première fois de ma vie, je vais parler du consentement.

 

Allez dis bonjour à Mamie, fait un bisou. T'aimes pas ça, t'aimes pas quoi ? Nan mais je ne te demande pas la lune quand même, laisse là te prendre dans les bras, laisse là t'embrasser tu vas la vexer. Allez, fait un effort. Fait pas ta timide, arrête ton cinéma.

Qui n'a jamais vécu ça ?

 

D'autant que je me souvienne, je n'ai jamais laissé mes parents me prendre dans leurs bras. Ni qui que ce soit. Je n'aime pas faire la bise à des gens que je ne connais pas, ou que je n'aime pas. Paradoxalement, je ne peux me passer d'affection dans un couple. Un vrai koala !

Le contact n'a rien d'anodin, je crois même qu'il représente ce qu'il y a de plus intime dans l'être humain. Tout passe par le toucher.. l'intention, la colère, le malaise, l'hésitation, la tendresse, l'excitation. L'amour. La peau ne ment pas. Le corps ne ment pas. Le contact se mérite, et comme la confiance, se gagne.

Comme nombre d'enfants, j'ai pourtant été élevée dans cette culture du contact forcé. Habituée à laisser Tonton Paul violer mon espace vital pour satisfaire son égo.

 

Aujourd'hui, j'aimerai que les gens comprennent qu'avec de tels comportements, la seule chose qu'on apprend c'est la soumission, pas la politesse. Je ne suis pas maître de mon propre corps, pire je dois laisser les autres me toucher si cela se fait, si cela les satisfait.

Tu le fais le lien, ou bien ? Et encore, je te passe le couplet sur les risques liés à la pédophilie. Ah bon, là y a exception ? Encore aurait-il fallu l'expliquer.

 

Vos gosses, foutez leur la paix. Donnez leur le choix. Il n'y a rien d'impoli à checker Oncle Tom parce que sa barbe dégueulasse te fait flipper. À saluer Mamie d'un signe de tête parce que ses bisous baveux t'ont toujours dégoutés. La politesse c'est de dire bonjour, libre à toi d'en convenir de la manière dont tu le souhaites.

Et quitte à vouloir leur imposer des choses, commencez par des limites, ça sera d'autant plus constructif.

 

Allez, bisous.

 

Elize

 

NB : "What do autistic adults need to know about sex ? Everything. Just like everyone else." Liana Marks, Sprectrumnews.org, mars 2020. Et merci à Christophe pour son résumé, dont je me suis inspirée.

Nombre d'autistes ont peur du sexe et de la relation de couple parce qu'ils sont conscients de leurs difficultés sociales. Rien n'est inné, pas même le sexe qui demande un lâcher prise au combien difficile pour quelqu'un dont la survie réside dans le contrôle. L. Marks insiste sur l'importance d'apprendre le sexe, et la relation amoureuse dans sa globalité. Ce que cela implique envers soi, envers l'autre.

Pour prévenir ces relations pourtant consenties qui s'apparentent à de la manipulation, des abus de faiblesse. Des viols. Liés à l'ignorance des pratiques sexuelles, du consentement et d'un manque d'analyse des ressentis personnels.

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Kangué (samedi, 04 avril 2020 11:50)

    Consentir... ressentir... dire... incapacité à dire... mal dire... rien dire... ���
    Dès verbes tellement connus qui frappent la tête, le corps, le cœur et l’âme... dans le silence de l’impossibilité, l’incapacité à exprimer !
    Bordel qu’est ce que c’est difficile !!�
    Merci Elize d’avoir évoqué ce sujet sensible !

  • #2

    Christophe (dimanche, 03 mai 2020 22:09)

    Du consentement, j'en ai parlé sur mon blog "un garçon dans la lune". Julie Dachez dont le discours m'a beaucoup touché dans son livre "Dans ta bulle" parle de la vulnérabilité des femmes autistes à cet égard. Elle même en a été victime.
    Je trouve dommage qu'aussi peu d'hommes s'engagent sur la question du consentement. Personnellement, je considère qu'il n'y a pas pire violence car si elle ne meurtrit pas nécessairement la chair, encore que... ces actes blessent l'âme, en tout cas ce qui nous constitue profondément, ce qui fait nous fait Humain.
    Je partage le commentaire sur la question de l'éducation des enfants. J'ai été éduqué dans la culture du "dit bonjour à la dame" comme si ne pas faire la bise était un manque de politesse, pire un manque de respect. Il y a quelques temps, j'ai eu une discussion à ce propos avec ma meilleure amie. Ma position était qu'il fallait faire la bise pour dire bonjour, elle pensait que c'était à l'enfant de choisir. Ce jour là, elle m'a ouvert les yeux, j'ai compris que j'étais dans l'erreur. J'ai une fils de deux ans et demi et je lui apprendrai que s'il n'a pas envie il ne doit pas se forcer au nom de je ne sais quelle convention sociale.
    Petite anecdote personnelle. Au préalable, je signale que je suis autiste comme Elize. Je n'ai jamais rien compris au code de la séduction. J'ai un jour rencontré une fille qui me plaisait beaucoup, je ne savais comment lui faire comprendre. Alors je lui ai dit tout simplement. Elle a semblé un peu désorienté, elle ne s’attendait pas à une déclaration aussi cash. En même temps, elle a trouvé touchant. Nous avons flirté rien de plus et aussi courte soit elle, ça reste pour moi une belle rencontre. Pour moi en tout cas, elle m'a larguè par msn... pas très élégant... Comme quoi, les hommes n'ont pas le monopole de la goujaterie.
    Merci de ce témoignage