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Les différences entre sexes dans l'autisme

Conférence de Simon Baron-Cohen

 

L'heure est venue de revenir, à tête reposée, sur quelques uns des grands moments du Congrès Autisme Europe. En commençant par la première intervention, et pas des moindres, celle de Simon Baron-Cohen, Professeur en psychopathologie du développement à l'Université de Cambridge.

L'un des chercheurs les plus réputés dans le domaine de l'autisme. De ceux qui travaillent POUR leurs différences, pour "soutenir leurs talents, pour qu'ils réalisent leur potentiel tout en apportant des avantages à la société." Comprendre l'autisme pour qu'il soit accepté, et respecté. Amen !

 

Ne vous attendez pas ici à retrouver l'intégralité de sa conférence, dont je vous mets le lien en bas, en biblio. Mais un texte plus personnel, dans lequel j'essaie de vous expliquer, d'illustrer, de commenter ses théories et ses résultats avec des mots simples, français ! Et peut-être plus accessibles.

J'espère donc que vous apprécierez cette nouvelle série d'articles, que vous soyez d'ailleurs concernés ou non par les TSA.

 

Revenons d'abord sur les causes de l'autisme

 

L'autisme touche 1 enfant sur 68 en Angleterre, soit un peu plus d'1% de la population. Un peu moins en France. Dont un quart de filles, un tiers si l'on considère leur sous diagnostic.

 

Et je crois qu'il est important de rappeler qu'un autiste né autiste. Ce qui signifie que l'éducation, la vaccination, l'alimentation ou l'environnement dans lequel nous évoluons n'y sont en aucun cas responsables. Parents, vous n'êtes pas responsables du TSA de vos enfants.

 

- Génétique :

 

En revanche, si vous êtes autiste, il est possible que vos enfants en héritent. Ce qui explique l'une de ses deux origines : la génétique.

Pour rappel, chaque individu possède sa propre identité génétique. Et pour faire très simple, je vais vous demander d'observer un code barre. En dessous, vous avez des chiffres, sa traduction numérique. Le premier représente le pays d'origine de votre produit, 3 pour la France. Le premier groupe de numéros, le code du fabriquant, le second celui du produit. Et le dernier, la clé de contrôle.

Voyez l'ADN comme un très long code barre, le vôtre ; codé par des lettres à la place des chiffres. 3,2 milliards de paires de lettres, dont chaque petit groupe représente un gène, qui lui-même détermine la couleur de votre peau, la taille de vos os, etc..

 

Imaginez maintenant qu'une petite barre double ou disparaisse, quelque part sur le code. Deux possibilités :

La première, c'est que ça touche une partie du code où les modifications sont d'ordinaires très rares. L'un des cinq gènes du groupe neuro qui, une fois muté, code pour l'autisme.

C'est ce qu'on appelle des variantes génétiques rares. Cent mutations du type ont été associées à l'autisme, dont cinq vraiment représentatives, en terme de symptomes. Mais il existerait entre 400 et 1000 gènes impliqués dans les TSA.

 

Deuxième possibilité. C'est que ça touche une partie du code où les modifications sont beaucoup plus courantes, ce qu'on appelle des variantes génétiques communes. Des mutations qui, individuellement, n'ont pas vraiment d'incidence sur le produit. Ce sont certaines de leurs combinaisons qui provoquent l'autisme.

 

Certaines de ces mutations sont héréditaires, transmises du parent à l'enfant. Mais d'autres, de nouvelles, peuvent apparaitre individuellement, in utero. Nous y reviendrons à la fin de l'article.

De plus, la génétique n'est pas systématique. On observe par exemple des jumeaux monozygotes, qui partagent donc le même code barre, mais pas l'autisme.

 

Différences entre sexes

 

Attention, je vais parler ici de moyennes de groupes, et non pas d'individus. Il existe donc forcément des exceptions à toutes ces constatations.

 

- Théorie du cerveau extrême masculin :

 

Observons d'abord deux cerveaux, celui d'un enfant normal, neurotypique, et celui d'un enfant autiste. Celui de l'autiste est plus grand, plus gros, et plus lourd parce qu'il se développe plus vite que son homologue normal. Des différences visibles dès la naissance.

Il est également plus connecté, surtout dans son cortex préfrontal, cette zone responsable du langage, des comportements sociaux, et pour faire simple, de tout ce qui diffère chez les autistes. Une zone qui renferme donc plus de neurones que la population ordinaire. Plus de connexions par neurone aussi. Et si c'est responsable de plein de beaux supers pouvoirs, comme l'arborescence de nos pensées, ou l'attention portée aux détails, ça explique aussi cette sensation de surcharge permanente, intellectuelle et émotionnelle.

 

Si l'on se penche maintenant sur les différences entre sexes du neurotypique. On se rend compte que le cerveau masculin possède plus de neurones que son homologue féminin. Oui mesdames, croyez-moi, j'ai vérifié !

Record battu ceci-dit, par le cerveau autiste, tous sexes confondus. C'est ce que Simon BC définit comme l'extrême du profil masculin.

Autrement dit, je me retrouve avec un cerveau plus masculinisé encore que celui de l'homme, à la fois dans sa structure et dans ses fonctions. Ce qui explique probablement ma facilité à traîner avec des garçons, le fossé ressenti avec les autres filles. Et de manière plus générale, des difficultés pour les femmes autistes à s'identifier au genre, et se sentir femme.

 

D'autres régions du cerveau sont impactées par ces différences. Et toutes tendent vers cet extrême du profil masculin. Ainsi, l'homme, mais surtout l'autiste présente un volume plus élevé de matière grise et de matière blanche, qui toutes deux participent à la transmission et au traitement de l'information.

Un volume plus élevé d'amygdales aussi, qui font partie du système limbique, le cerveau émotionnel.

 

- Théorie de l'empathisation-systémisation :

 

L'empathie et la systémique représentent toutes deux des préférences sexuelles typiques. La première, que l'on accorde aux filles, et la seconde aux garçons.

 

Simon BC parle ici d'empathie cognitive, qu'il définit comme le fait de reconnaitre ce que quelqu'un ressent ou pense et d'y réagir avec une émotion appropriée.

Les femmes sont donc, de manière générale, plus empathes que leurs homologues masculins. Les autistes beaucoup moins.

Attention toutefois aux idées reçues.. Je ressens des émotions ! C'est ma manière de les capter qui diffère. Là où la plupart d'entre-vous peuvent se contentent d'un regard, ou de quelques mots, j'ai besoin de m'en imprégner physiquement pour y réagir.

Pour vous donner un exemple, l'an dernier, mon ex-conjoint m'annonce la perte de l'un de ses proches, et m'explique être gêné par la tristesse qu'il ressent. Ce à quoi je réponds que, pour éviter d'être triste, il n'avait qu'à réduire son cercle d'amis. Pragmatique, mais pas très empathe, je vous l'accorde.

À contrario, il est courant que je me retrouve seule à capter la tristesse, ou l'inquiétude de quelqu'un, lors d'un déjeuner par exemple.

 

La systémique est quant à elle définie par la volonté d'analyser et de créer des systèmes à base de règles. Les garçons sont donc, à l'opposé, plus doués dans ce domaine. Devancés à nouveau, par les autistes.

Un domaine dans lequel je reconnais mon besoin de tout organiser, classer, comparer. De donner un sens logique, physique, à tout ce qui m'entoure.

L'attention que les hommes, mais surtout les autistes, tous sexes confondus, portent aux détails est également plus forte. Toujours sur ce même shéma de l'extrême masculin. En clair, si j'observe votre jardin, c'est pas l'harmonie de l'ensemble qui va me frapper, mais les lézards qui s'y baladent.

 

Enfin, les hommes neurotypiques présentent, de manière générale, plus de traits autistiques que les femmes. Surtout s'ils travaillent dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, ou des maths..

Ce qui ne fait pas d'eux tous des autistes ! Car je le rappelle, ce sont bien le cumul de tous ces traits, leur fréquence et leur intensité qui nous caractérisent comme tels.

Ceci-dit, ce sont des domaines qui correspondent à leurs compétences "en reconnaissance de modèles, à l'attention portée aux détails, à l'aptitude à comprendre le fonctionnement des choses." Il n'y a qu'à se pencher sur le côta d'Asperger de la Silicon Valley pour se persuader d'ailleurs de leur hyper-efficacité !

 

- Limites :

 

Les plus septiques pourraient remettre en cause le choix de l'empathie et de la systémique comme préférences sexuelles typiques. En estimant qu'ils sont acquis culturellement. Qu'en d'autres termes, les filles seraient élevées pour être empathes, et les garçons jouer au légos.

Mais c'est faux !

Des études montrent que les nouveau-né filles sont d'ors et déjà plus interessées par les visages que leurs homologues garçons, qui eux, sont plus attirés par les objets. Tout comme les autistes, tous sexes confondus.

La biologie joue donc sur l'attention à l'environnement, et les préférences sexuelles. Préférences évidemment renforcées, au fil du temps, par la culture.

 

Si l'on en revient maintenant aux origines de l'autisme, combiné à ces théories des différences entre sexes et de l'extrême masculin, on peut finalement se poser la question du lien entre le taux d'hormones prénatal sexuels, et l'autisme. Ce avec quoi je vais terminer cet article.

 

L'environnement in utéro, à l'origine de l'autisme ?

 

Il existe plusieurs facteurs de risques connus d'autisme, comme la masse pondérale maternelle, ou le niveau d'hormones prénatales. Et c'est ce dernier point qui va être développé ici.

Est-ce que le niveau d'hormones sexuelles in utéro peut finir par affecter ce fameux code barre ? Est ce qu'un taux d'hormones masculines ++ peut-être responsable de TSA ?

 

Les foetus mâles produisent 10 fois plus de testostérone que les foetus femelles. Et les recherches montrent que ce taux influe sur le développement du cerveau. Plus il est élevé chez le foetus, plus les garçons s'intéressent aux systèmes, plus leurs traits autistiques sont nombreux, et moins ils sont empathes. Leur cerveau se masculinise.

En suivant ce raisonnement, un taux de testostérone prénatal supérieur au taux masculin habituel, pourrait provoquer l'autisme.


Mais d'autres hormones comme les oestrogènes prénatales, qui travaillent à la conception du code barre, sont aussi plus élevées chez les autistes.

En donnant de l'estradiol aux souris par exemple, on se rend compte qu'elles développent plus de neurones. Mais on ne sait pas vraiment d'où ça vient chez l'être humain, si ça touche au foetus, à la mère, au placenta ? Pour le moment, seul le syndrome de l'ovaire polykystique concorde avec ce taux sur-élévé d'hormones sexuelles prénatales, et le nombre d'autistes qu'il en découle.

 

- Conclusion :

 

La recherche avance.

Et si l'on est sûr qu'aujourd'hui, il existe plusieurs gènes codant pour l'autisme, de nouvelles hypothèses voient parallèlement le jour du côté de l'environnement in utéro.

L'autisme n'est souvent diagnostiqué qu'autour de deux ans en France, au bout de plusieurs mois à l'étranger, mais il pourrait l'être en réalité dès la grossesse, par amniocenthèse.

 

J'espère que chacun d'entre-vous aura pu arriver au bout de ce texte, sans trop souffrir ! Que vous en ressortirez plein de belles choses. Je vous invite évidemment à partager l'article.

Et si certains ne l'ont pas encore vu, je vous laisse avec le VLOG du congrès, tourné en septembre dernier.

 

On se retrouve très vite.

Elize

 

Bibliographie :

Understanding sex differences in autism, Congrès Autisme Europe, Sept. 2019

Largest ever study of psychological sex differences in autistic traits, Sciences News, Nov. 2018

Genetic studies intend to help people with autism, not wipe them out, New scientist, Sept. 2018

 

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