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La magie de Noël, ou pas

Quelques minutes au fond de ma bulle.

 

Quelle plus belle période que celle des fêtes de fin d’année… Alors que les enfants préparent leur précieuse liste de cadeaux, les plus grands s’affairent à décorer minutieusement leur intérieur. Sapin, boules, guirlandes, éclairages en tout genre, tout est bon pour transformer son salon en un cocon accueillant et chaleureux.
Plus les jours passent, plus les calendriers de l’avent s’allègent, et plus les yeux s’illuminent à la simple idée de se retrouver en famille, auprès d’un feu de cheminée, autour d’une table généreusement garnie. Offrir et recevoir. Car Noël, rappelons-le, c’est avant tout des valeurs que sont le partage, le pardon parfois, l’altruisme, la tolérance. Et c’est assez rare pour être souligné.

 

La rupture.


Pour moi cette période n’a vraiment rien de magique. Si mon intérieur est délicatement décoré, en partie par, et pour mon fils, mes yeux peinent à briller.
Et pour cause, Noël a véritablement marqué une première rupture dans ma vie. Alors que la majorité des enfants vivent l’inexistence du vieux barbu comme une ouverture certaine vers le monde des plus grands, pour ma part, j’ai subis la révélation comme une profonde trahison. Comment ma propre famille, mes amis, ont-ils pu me mentir des années durant ? Comment ont-ils pu jouer avec mon innocence, écartant chacun de mes doutes de leur douce imagination ? Si vous saviez à quel point je m’en suis voulue d’avoir été aussi naïve.
J’avais 6 ans, et pour la première fois de ma vie, je me rendais compte que les personnes en qui j’avais le plus confiance étaient aussi capables de me tromper. J’avais été écartée du monde réel, j’en avais été exclue au profit d’une tradition, d’un mythe populaire.. Puis je les ai observé réitérer la mascarade avec mon petit frère. J’ai vu le bonheur sur leur visage cohabiter sans aucun scrupule avec le mensonge dans leurs yeux, et ce jour-là, je me suis promise de ne plus jamais leur accorder ma confiance.

Vous me direz, mais c’est tellement étonnant, tellement dur comme raisonnement pour un enfant ! Le fait est, que je ne me suis jamais sentie enfant. D’ailleurs je ne me sens pas non plus adulte. Je suis autiste, et mon développement ne répond à aucune de vos règles.
De la même manière que mon système de pensée diffère profondément du votre, et pour preuve, comprenez l’impact qu’à pu provoquer une confidence a priori anodine sur ma relation à autrui.

Le réveillon.


Continuons donc avec les festivités. Alors que mon père découchait toute la semaine pour raison professionnelle, et que mes horaires d’entraînements ne me permettaient pas toujours de dîner le week-end avec mes parents, le réveillon était l’occasion rêvée de nous réunir tous les quatre autour d’une jolie table.

Le Noël idéal. Petite musique de fond. Ma mère sortait sa plus jolie robe, mon père la ménagère de mariage, et mon frère, un sourire béat. Et ce soir-là, tout le monde semblait enfin s’intéresser les uns aux autres, avec politesse et bienveillance.
Pour ma part, j’observais chacun des échanges avec attention, attendant irrémédiablement la fin d’un film dont le titre avait au moins pour mérite de revenir d’une année sur l’autre, les faux semblants. Oui, parce que les autistes n’approuvent pas vraiment le changement.. Et quel spectacle, un vrai bain de sourires et d’amabilités auxquels j’avais pour consigne de ne pas réagir. Ce soir, tu ne poses pas de questions, tu te tais, et tu souris.
Alors que l’ambiance s’alourdissait au même rythme que nos estomacs, j’observais non sans désolation avec quel talent mes parents et mon frère étaient capable de tant d’hypocrisie pour le bien-être d’un simple repas de fête. Heureusement pour moi, le rideau finissait toujours par tomber, les réflexions scinder et les sortie de table se voir forcées.

Quoiqu'il arrive, à minuit pile le vieux barbu descendrait par la cheminée pour laisser des tonnes de cadeaux sous le sapin en plastique. De sorte que tous les ans, je ressente plus de culpabilité que de bonheur à l'idée de les ouvrir. Au point d'oser penser que l'amour ne s'achète pas, mais qu'il se vit.

 

Cette année encore, je passe les fêtes de Noël seule.

Et non, ce n’est pas un choix. Non, quoique j’ai pu entendre, il n’y a rien de normal à rester seule à cette période de l’année. Je ne pense pas l’avoir non plus méritée, quelque soit mon caractère, ou mon handicap.
Je ne le vous cache pas, oui ça m’attriste. .. Et oui, les autistes sont aussi capables d’émotion. Ça me rappelle à quel point les valeurs que j’essaie de transmettre, la tolérance, la bienveillance, le partage sont encore loin d’être universelles. Alors faute d’autre possibilité, je fais avec.

Cet article n’a pas pour but d’attiser la pitié, et encore moins de culpabiliser qui que ce soit. Je l'ai rédigé pour rendre compte d’une vérité très souvent ignorée, la solitude ; et de briser la glace quand au syndrome d'Asperger duquel je suis atteinte et que tant ignore encore.
Prenez soin de vous, de vos familles et de vos amis. Je vous souhaite à tous, et du fond du cœur, de passer de merveilleuses fêtes de fin d’année. Offrez de l’amour et du bonheur. Parce qu'un je t'aime vaut tellement plus qu'un joli paquet.

Elize

 

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