Muddy Angel Bordeaux. Compte Rendu de course

Du rose, des filles et de la boue.

Samedi, 9h. J'ouvre les yeux, dans les bras de l'homme que j'aime. Enfiiin, il est là, auprès de moi. J'aimerai tellement que le temps s'arrête, et qu'il ne reparte jamais... Sauf qu'aujourd'hui, je ne peux pas lui jurer fidélité. J'ai prévu de me rouler dans la boue avec ma copine Emilie, et c'est pour la bonne cause !

J'enfile les deux trois fringues préparées ( jetées* ) à l'arrache sur le piano la veille après un repas équilibré ( quelques bières* ) : short et chaussettes roses, débardeur blanc, une vieille paire d'Adidas. Le petit déj habituel, je récupère Emilie, mes Ray Ban aux couleurs de l'épreuve et c'est parti pour l'hippodrome du Bouscat.

11h. La météo est parfaite, beaucoup de soleil, un peu d'air. Les filles sont là. Tout âge, tout profil. Matt nous dépose devant l'entrée. Nous découvrons une longue file d'attente dans laquelle nous nous insérons pour récupérer nos bandanas et nos bracelets. Emilie part se changer derrière un arbre. Les vestiaires ? Trop conventionnels. Y a du monde, mais ça avance vite. L'hippodrome est aménagé pour l'occasion, 5km de course, 15 obstacles, deux arches roses et des ravitos.

Je retrouve mes amours qui se baladent autour, et nous font deux trois photos avant le départ. Une pause pipi, un passage aux consignes et c'est parti.

Départ midi ? Il n'y a en réalité aucun sas. Il faut faire la queue. La course n'est pas chronométrée, chacun fait ce qu'il veut, quand il le veut. Du coup, l'attente est longue. Malgré son épaisse couche de crème solaire pédiatrique, Emilie cuit. Quand à moi, je me dessèche. Conscientes que les prochaines minutes pourraient bien être les dernières avant nos propres combustions, nous en profitons pour nous raconter les potins des 6 derniers mois. Ça parle gosses, mecs, elle me rappelle qu'elle n'a repris le sport que depuis quelques semaines. Je reviens sur mon Ironman, dont l'échec est toujours aussi douloureux.

Nous débarquons dans la zone d'échauffement. Il est midi 30. Les filles sont surexcitées, ça chante, ça crie. À des années lumières d'Aix... Plutôt discrète, j'ai du mal à rentrer dans l'ambiance. Je n'ai pas couru sérieusement depuis des lustres. Et puis c'est même pas une compétition. Mais qu'est ce que je fous là ?

Deux profs de fitness donnent le ton, le cardio monte. La poussière vole. J'en ai marre, j'ai hâte de partir et d'en finir avec tout ça.

Départ 12h45. Sur un air d'Alicia Keys et quelques roulement d'épaules, nous partons devant, enfin. Je repense à mon fils, qui doit avoir faim, et à ma moitié, qui doit en avoir marre. Mais ma culpabilité n'y changera rien. Mieux vaut lâcher prise.

Emilie craint de ne pas suivre le rythme, mais au vue des profils, j'essaie de la rassurer. Les filles sont là pour s'amuser, beaucoup découvrent probablement la course à pied. D'ailleurs, au bout du premier 400m la plupart commencent à marcher ! J'ai l'impression de me retrouver sur un 3x500 du lycée.

Le premier obstacle arrive. Un bénévole nous explique le principe, nous nous exécutons. Puis le second, plus intuitif. Nous traversons un grand bac d'eau à l'hygiène douteuse. On s'en amuse, on a signé pour ! C'est frais, les jambes apprécient, et nous aussi.

S'en suivent ensuite divers franchissements de poutres, de filets, de grilles ; dans l'eau, la boue, la mousse, plus ça avance et plus on s'éclate ! Les obstacles sont vraiment accessibles à toutes, ça envoie, y a peu d'attente. Ce qui nous permet de récupérer et de garder un bon rythme de course entre.

Alors que j'essaie de nous frayer un passage au milieu des marcheuses en tutus roses, avec diplomatie ( on bouuuge, laissez passer les princesses* ) les filles s'écartent en nous lançant une Hola, amusées de nous voir courir encore. L'ambiance est dingue, personne ne se prend au sérieux, et ça fait du bien !

On finit par rattraper les Angels du sas précédent, à la sortie d'un bain moussant dont le naturel pique les yeux. Mine de rien, Emilie envoie. Constatant ma forme olympique, elle me propose de ralentir. Sauf que y a 6 mois, alors que je me préparais pour un Ironman, elle, se préparait pour un tout autre marathon, à la maternité. Je la regarde en souriant, hors de question, j'ai encore une fierté !

Sur l'hippodrome, nous zigzaguons sans jamais trop savoir si le virage suivant nous conduira à l'arrivée ou nous en éloignera encore. Ces 5km nous paraissent quand même bien longs.

Puis c'est au tour du coup de moue d'Emilie, probablement proche d'une hypoglycémie doublée d'une insolation. Je trottine sagement ( diaboliquement* ) à ses côtés le temps qu'elle récupère. Un ventriglisse de toute beauté, un rinçage rapide aux ravitos, d'après son décompte, on arrive au bout. En effet, l'arche rose se dessine, tout prêt.

Arrivée 13h25. Je retrouve mon fils qui m'accompagne sur les derniers mètres. Ma moitié est toujours là, et m'attend à côté de la ligne que je savoure à franchir. Je me rappelle alors ses mots : c'est peut être pas la course de tes rêves, mais aujourd'hui, c'est celle que tu vas finir !

L'émotion est au rendez-vous. Non pas parce que j'ai enfin terminé quelque chose cette année, ou parce qu'on m'a filé une bière à l'arrivée, mais parce que les personnes que j'aime le plus au monde sont là, réunies, tout autour de moi.

Emilie, ma petite sœur au grand cœur. Celle qui me transmet la force de me battre, celle qui m'aide à avancer dans ce monde dans lequel j'ai tant de mal à comprendre les codes, celle qui me soutient contre tout et tous depuis de longues années. Celle à qui je dois tant... et sans qui rien de tout ça aujourd'hui n'existerait.

Mon fils, mon petit chaton.

Ma moitié.